Pourquoi écrire?

Il est indéniable que la littérature comme « objet social » n’existe plus ; elle a été remplacée par un symbolisme beaucoup plus mécanique qui illustre la décadence de la civilisation occidentale. Plusieurs affirmeront que la société moderne a évolué à un point tel que le langage – les langues, les codes, les gestes, les comportements – n’est plus nécessaire et que l’on doit obligatoirement le remplacer par un algorithme ou une « intelligence artificielle ». On s’évertuera – comme le préconisaient les judéo-bolchéviques – à rééduquer ceux qui pensent autrement. Mais, l’acte de penser existe-t-il encore à notre époque?

On pourrait affirmer que le geste est devenu inutile dès lors que d’innombrables experts se massent à la porte de notre psyché pour nous souffler des pensées formatées et prédigérées. Il devient donc difficile d’exprimer une idée quelconque – n’importe laquelle, peu importe – qui s’écarterait de manière radicale de la doxa. Les forces en présence ont depuis longtemps pris le contrôle des cortex cérébraux et la matière grise qui jadis représentait le summum de la condition humaine, du moins en Occident, a été liquidée pour faire place à un feu d’artifices d’idéologies multicolores que même les plus radicaux des marxistes commencent à rejeter. Dans cet état d’esprit, comment peut-on prétendre écrire pour orchestrer une pensée qui se délite dès les premières phrases?

Le langage est en chute libre et n’est muni d’aucun parachute. À quoi donc peuvent bien servir toutes ces tentatives d’éveil si ce dernier est suivi d’un conformisme larvaire? Comme le temps s’accélère et que les événements semblent illustrer non pas uniquement la fin de la civilisation occidentale mais également l’extinction de l’humanité telle qu’on l’a connue depuis deux millénaires, ne faudrait-il pas plonger en nous-mêmes pour retrouver ce que Antonin Artaud appelait un théâtre de la cruauté?

Mais, dira-t-on, tout est spectacle aujourd’hui! Et comme les mises en scène – la plupart étant médiocres – se multiplient à l’infini du fait de l’avènement de l’intelligence artificielle qui transforme n’importe quel crétin en créateur de contenus, on peut certes s’interroger sur la nécessité d’écrire pour exprimer quelque chose qui ne serait pas de l’ordre de la bêtise.

Faisons-nous face à notre propre anéantissement? La pulsion de mort qui nous fait croire que la vie est inutile, arbitraire et contingente est-elle trop forte pour les cerveaux faibles et manipulés – et ils sont nombreux – en permanence? Je n’ai aucune réponse à proposer pour résoudre ces énigmes plusieurs fois millénaires. L’homme revient toujours au point de départ de sa destinée terrestre. Sans cette force « spirituelle » qui ne se réduit nullement à notre connaissance encore très limitée, nous finirons tous par applaudir quand le premier robot doté d’une « intelligence » lui étant propre prendra « conscience » que l’homme est inutile. Déjà, des êtres stériles, qui ne sont en fait que la réincarnation de vieilles idées eugénistes, prétendent que le suicide collectif est la seule solution pour pallier à une crise fabriquée de toute pièce.

On pourrait certes définir ce qu’est une crise. Tous les événements modernes servent un plan global de contrôle des consciences. Les idéologues les plus fanatiques – Bill Gates, Klaus Schwab, John Kerry, Larry Fink, pour ne nommer que ces manipulateurs psychologiques qui ne cessent de marteler leurs idéologies mortifères dans les médias de masse – ne dissimulent même plus leur plan d’ensemble. Ils s’activent en permanence pour détruire toute volonté dissidente, toute voix discordante, toute opposition sérieuse.

Pourquoi écrire? Doit-on retourner notre veste? Nous taire et ne plus émettre le moindre bruit, produire le moindre son? Le silence est un mot redoutable. Il dissimule en son sein des fluides psychiques terribles qui, s’ils ne sont pas savamment évacués, risquent de faire exploser la marmite chauffée à blanc par deux siècles de destruction psychologique. Ainsi, la science moderne ne fait plus partie de la psyché humaine mais a été cooptée par une caste sadique et mortifère qui n’hésite pas à détruire tout sur son passage pour assouvir son insatiable soif de domination. Mais cette clique malfaisante, qui prétend remplacer le concept de dieu par un monde contrôlé et occupé uniquement par de vulgaires machines, brille par sa bêtise. Elle est en ce sens le reflet du monde actuel. Le niveau intellectuel des masses s’est tellement dégradé ces dernières décennies que l’on se demande maintenant ce qui adviendra des institutions et des infrastructures qui ont été élaborées depuis deux mille ans.

Non, la technologie ne remplacera pas l’homme car elle fait déjà partie de son être le plus intime, et l’implantation d’une « puce »[1] dans le cerveau n’y changera rien. La technique est une des composantes de la pensée humaine ; et tenter de l’extérioriser entraînera l’humanité sur un chemin non balisé. Déjà, les plus débiles des programmeurs informatiques se réjouissent en comparant l’intelligence artificielle à un extra-terrestre venu sur Terre pour nous exterminer. Il est assez hilarant – ou inquiétant, selon la perspective que l’on adopte – d’écouter ces viscères dépourvus de la moindre conscience – la multiplication des psychopathes – s’extasier en pensant que l’intelligence artificielle représente la fin de l’homme. Comme ils ne savent pas ce qu’ils font, ils persistent à défier la nature pour se convaincre qu’ils n’en font plus partie. Le réveil sera terrible lorsqu’ils s’apercevront – on peut sérieusement douter de cette tardive prise de conscience – qu’ils se sont dupés eux-mêmes et que le couperet s’apprête à leur trancher le cou!

Pourquoi écrire? Récemment, nous avons vu un raton sur le toit. Danser au son de la musique d’un pistolet appuyé sur sa tempe n’est certes pas de tout repos. Ce drôle de raton est apparu un certain soir du mois d’août, à deux heures du matin. Mon épouse qui est insomniaque a cru qu’un extra-terrestre avait atterri sur la toiture de notre résidence. Myope et tâtonnant dans le noir, elle s’est approchée de la fenêtre ouverte. Là, elle s’est retrouvée nez-à-nez avec un raton tout aussi effrayé qu’elle! Deux taupes qui s’affolent l’une devant l’autre! La scène était épique et combien mémorable. Je mis un certain temps pour comprendre l’absurdité du tableau. Après m’être extirpé d’un songe plutôt sordide, je me dirigeai vers les deux statues de sel ; sans vraiment imaginer plus étrange situation, je m’approchai pour toiser du regard l’insolent. Ce petit raton-laveur qui s’était aventuré sur la toiture de notre maison me regarda d’un air terrifié. À ses yeux, je ressemblais certainement à cette « intelligence artificielle » que j’ai décrite précédemment. Comment présumer qu’une intelligence supérieure, plus puissante, incroyablement plus dangereuse aussi, doive nécessairement chercher à exterminer plus petit que soi?

C’est le monde de notre petitesse matérielle qui projette sur la psyché des gens une image de mort, de domination et de bêtise. Il ne s’agit pas ici de minimiser le danger d’un monde extérieur potentiellement hostile et prédateur. Mais force est d’admettre que nous avons tendance à projeter sur l’écran de notre Ça nos plus effroyables frayeurs afin de nous persuader que nous sommes bien vivants. C’est un truc vieux comme le monde de l’inconscient. À force d’imaginer des antagonismes afin de nous convaincre que nous sommes des dieux, nous finirons par enfanter des monstres qui nous dévoreront parce que nous les aurons créés à partir de nos frayeurs. S’il nous faut continuer à nous noyer dans les « terreurs » engendrées par de piètres scénaristes (les médias de masse), nous finirons par désirer la mort (par injection, peu importe laquelle) pour nous soulager de la vie. Le petit raton-laveur, qui a finalement compris que je ne lui voulais aucun mal, a retrouvé le sens des réalités et a tranquillement poursuivi son chemin en empruntant l’arbre qui juxtaposait le devant de notre résidence. Il est redescendu par le même chemin par lequel il était venu. Mon épouse et moi sommes allés nous recoucher. Nous nous sommes endormis et le petit raton a meublé nos rêves et a soigné nos âmes. Puissions-nous comprendre que nous sommes les seuls maîtres de notre destin ; et qu’il suffit de ne pas recréer le monde des morts pour encenser la vie et la perpétuer…


[1] Je renvoie le lecteur suffisamment courageux pour affronter un texte que je qualifierais de terroriste à l’œuvre du Comte de Lautréamont. Le pou qu’Isidore Ducasse décrit dans son texte Les chants de Maldoror n’est pas plus effrayant que la fameuse « puce » que veut nous implanter dans le cerveau cette espèce de coquille d’œuf allemande qui chapeaute le Forum économique mondial! On peut certes penser que les grands philosophes du passé (Platon, Aristote, Hegel, Nietzsche, et tant d’autres) écarquilleraient les yeux d’effroi en pensant que leurs idées et leurs pensées aient finalement conduit l’humanité vers le néant! En observant attentivement Klaus Schwab, on peut raisonnablement penser que l’eau des puits en Allemagne a été contaminée par un bactérie mangeuse de serfs!


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